Désiré et Lazarine : Une vie de roman
Il y a des ancêtres auxquels je tiens beaucoup, je dirais même que ce sont eux qui m'ont donné la passion pour la généalogie et qui m'ont donné l'envie de creuser et d'en savoir encore plus.
Eux, ce sont mes arrières-arrières grand-parents paternels, Claude Désiré Reverchon et sa compagne Marie Lazarine Boiteux.
J'ai réussi à retracer leur vie, petit à petit. Je peux dire qu'ils m'ont donné du fil à retordre. Il me manque encore des éléments de leur vie mais le parcours que j'ai réussi à tracer, m'a fait apparaître des vies tristes, parsemées de drame, qui auraient pu être la vie des personnages de Zola, Flaubert … . Je n'ai pas de photos d'eux, mais pourtant, un lien invisible et intemporel me relie à eux.
Claude Désiré Reverchon
Mon arrière-arrière grand-père fait parti de ces ancêtres pour qui la vie n'a pas été un long fleuve tranquille. Claude Désiré REVERCHON n'a pas été épargné par les malheurs de la vie; il a subi son lot d'épreuve qui l'ont fait, un temps, fuir mais qui au final, ne l'ont pas fait renoncer à trouver le bonheur.
Claude Désiré REVERCHON est né le 17 juin 1828 à Vers-en-Montagne, petit village du Jura en Franche-Comté, d'environ 370 habitants.
Localisation de Vers-en-Montagne (Jura) en France |
Localisation de Vers-en-Montagne et de Le Larderet (Jura) à l'échelle locale. |
Eglise de Vers-en-Montagne (source: Wikipédia) |
Il est le fils de Jean Joseph REVERCHON, maréchal ferrant, et de Claudine Elisabeth MAGNIN, cultivatrice, qui se sont mariés le 2 avril 1813 au Larderet, toujours dans le Jura. A sa naissance, ils sont respectivement âgés de 41 et 37 ans.
Acte de naissance de Claude Désiré REVERCHON (source: AD39) |
Désiré est l'avant dernier d'une fratrie de 8 enfants.
- Jean François ( 2 avril 1814 – 11 mai 1822 ) mort trop jeune à l'âge de 8 ans
- Marie Louise Constance ( 13 mai 1816 )
- Marie Antoinette Létitia ( 19 août 1818 )
- Jeanne Louise Alexandrine (17 mars 1821 – 28 mars 1826) qui meurt à 5 ans.
- Denis Eloi, souvent nommé Dionis Eloi ( 24 octobre 1823 - 19 avril 1881 )
- Jean Louis ( 10 juillet 1826 )
- Jean Pierre Symphorien ( 10 octobre 1831 – 30 mars 1832 ) qui décède à 5 mois.
Des débuts prometteurs
Désiré grandit à Vers en Montagne, entouré de ses 5 frères et sœurs. Il apprend le métier de son père, tout comme Denis Eloi et Jean Louis.
A 19 ans, il ne suit plus le chemin professionnel de son père. Il décide d'embrasser une « carrière » militaire en devenant remplaçant à 2 reprises.
Il faut savoir que depuis le 10 mars 1818, et la loi Gouvion-Saint-Cyr, le recrutement dans l'armée se fait par l'engagement volontaire et le tirage au sort où les mauvais numéros ont une obligation d'effectuer un service long de 6 ans. Cependant les appelés, qui ont été tiré au sort, ont le droit de se faire remplacer par une personne qu'ils auraient trouvé. Généralement, ce remplacement était monnayé et une compensation financière était négociée avec la famille de l’appelé. Un document était généralement signé entre les 2 partis pour sceller cet accord .
Désiré ne semble pas avoir été tiré au sort, il devient alors remplaçant. Je souhaiterais trouver les documents conclus entre lui et ceux qu'il remplace mais je ne sais où chercher. Une idée ?
Fiche militaire de Claude Désiré REVERCHON (source: SHD-T) |
Il est incorporé le 17 mai 1848 comme remplaçant, admis par le Conseil de Révision, de son frère Denis Eloi (classe 1843, n°172 de la liste du contingent du Jura). N'ayant pas de photo de Désiré, c'est sa fiche qui me donne une description :
- il fait 1,72 m
- il a le visage ovale,
- le front ordinaire,
- les yeux roux,
- un gros nez,
- une bouche moyenne,
- un menton rond
- ainsi que des cheveux et sourcils châtains foncés.
Le couple et ses deux enfants habiteront désormais au 2, rue Necy à Arbois.
Fiche militaire de Claude Désiré REVERCHON (source: SHD-T) |
Il entre au service du 7e Régiment d'artillerie comme 2e Canonnier Conducteur et arrive au corps le 30 mai 1848.
La 6e Batterie d'artillerie de son régiment fait partie de la 2e Division du Corps expéditionnaire de la Méditerranée, parti combattre la République Romaine et participer au siège de Rome à l'été 1849. A t-il pris part à cette expédition, je n'ai pas trouvé la réponse.
Il est renvoyé dans ses foyers par anticipation le 10 août 1850 et est libéré définitivement le 31 décembre 1850 et obtient son certificat de bonne conduite. Il rentre à Vers mais part vivre à Dijon, en Côte d'Or, et redevient maréchal-ferrant.
Sa mère Claudine Elisabeth Magnin, âgée de 62 ans, décède le 15 octobre 1854. Il a alors 26 ans.
Fiche militaire de Claude Désiré REVERCHON (source: SHD-T) |
Il est de nouveau incorporé au 1er Régiment d'artillerie à pied à partir du 9 novembre 1854 comme remplaçant de François Laboureau dit Mouton de la classe de 1853 (n° 1085 de la liste du contingent de la liste de la Côte-d'Or).
Il arrive au corps le 18 novembre 1854 en tant 2e Canonnier Servant.
Il passe à la 3e Compagnie d'Ouvriers d'Artillerie par décision ministérielle du 24 novembre 1854. Il est tout d'abord en garnison à Vincennes puis à partir de 1855 à Strasbourg.
Il devient 3e Canonnier Ouvrier le 1er décembre de la même année puis 2e Canonnier Ouvrier le 1er juillet 1856. Cependant, il est rétrogradé 3e Canonnier Ouvrier le 4 février 1857 car il part en congé renouvelable. Pour quelles raisons part-il ? Je ne sais pas du tout mais peut être que des raisons familiales l'y ont poussé.
C'est sans doute durant cette période qu'il rencontre sa future femme, Antoinette Othilie VERMOT, plus âgée que lui d'un an. Dans quelle circonstances et quand, précisément, font-ils connaissance, je l'ignore. Toujours est-il qu'au début de l'année 1859, Othilie tombe enceinte.
Il revient de son congé et redevient 2e Canonnier Ouvrier le 9 mai 1859.
Étant donné qu'ils ne sont pas mariés, et que de plus Désiré est absent de par sa profession de Soldat, il décide de passer une procuration devant notaire pour la déclaration de naissance. En effet, le 4 novembre 1859, il nomme comme mandataire spécial, François Léopold RENAUD, qui est le secrétaire en chef de la mairie d'Arbois, pour déclarer à sa place la naissance de son enfant à naître.
Deux jours plus tard, le 6 novembre 1859, Othilie, enceinte d'environ 8 mois, accouche prématurément non pas d'un mais de deux bébés: Rose Désirée et Jean Joseph Léopold.
Il est renvoyé par anticipation dans ses foyers le 21 février 1860, et va habiter à Arbois. Il a fini sa carrière en tant que Chef de la cartoucherie de l'arsenal.
Il est libéré définitivement le 31 décembre de la même année. Cette fois-ci, il n'obtient pas de certificat de bonne conduite.
Désiré et Othilie établissent un contrat de mariage le 7 juin 1860, par Me Châtelain, notaire à Arbois, en vue de leur mariage qui a lieu le 16 juin 1860 à Arbois. Au moment de leur mariage ils reconnaissent leurs 2 enfants.
Le contrat de mariage
Contrat de mariage de Désiré Reverchon et Othilie Vermot (source: AD39) |
Le mariage
Acte de mariage de Désiré Reverchon et Othilie Vermot (source: AD39) |
Le couple et ses deux enfants habiteront désormais au 2, rue Necy à Arbois.
Maison de Désiré Reverchon (source: photo personnelle) |
Il exercera désormais le métier de taillandier.
La descente aux enfers
L'état civil nous montre une recrudescence du nombre de morts pendant l'hiver 1870-1871. Le nombre de morts parmi les enfants, les jeunes adultes est beaucoup plus important. Il y a aussi un nombre considérable de soldats qui meurent à l'hospice. La cause du décès n'y est jamais indiqué mais on sent bien qu'il y a un problème.
Les conditions météorologiques et la guerre ont, sans doute, été le parfait calcul pour que cette situation se produise.
Quoi qu'il en soit les décès successifs de leurs filles plongent Désiré et Othilie dans un profond chagrin.
La recherche d'un ailleurs
La descente aux enfers
Peu de temps après, le couple entame une décennie où les tragédies vont s'enchaîner. Le 27 juin 1866, son fils Jean Joseph Léopold décède à l'âge de 6 ans.
Le 24 juillet de la même année, il semble être dans l'obligation de vendre une partie de ses biens à son frère, Jean Louis REVERCHON.
Acte de vente des biens de Claude Désiré REVERCHON (source: Archives du Jura) |
Il vend plusieurs biens (quatre terrains d'une superficie totale de presque 50 ares et une maison) situés au village de Vers-en-Montagne, qui lui sont revenus suite à la succession de son oncle Jean Baptiste REVERCHON, le 7 juillet 1864. Il vend ses biens pour 1000 francs dans le but de rembourser une hypothèque contractée le 27 juin 1866, jour de la mort de son fils.
Seule bonne nouvelle, Othilie tombe de nouveau enceinte. Elle accouche le 11 avril 1867 d' une petite fille qu'ils nommeront Elisabeth Désirée.
En juillet 1870, la guerre entre la France et l'Allemagne éclate et se répand dans le pays. Même si les batailles se déroulent principalement dans le Nord-Est de la France, les troupes Allemandes vont occuper une partie du Jura à la fin de cette année 1870.
Désiré et sa femme sont donc pris au coeur de cette guerre. La nourriture et les habitations sont réquisitionnées. Ils ne vont pas y échapper. Ils devront héberger et nourrir l'ennemi.
De plus, l'hiver 1870 est très rude. Les températures descendent à - 19°C. C'est sans doute ces conditions météorologiques extrêmes qui sont à l'origine du double drame que Désiré et sa femme vont vivre c'est à dire les décès rapprochés de leurs deux filles: Rose Désirée décède le 31 décembre 1870, à l'âge de 11 ans et 3 mois puis Elisabeth Désirée décède le 22 avril 1871 à l'âge de 4 ans. De quoi sont-elles réellement mortes? L'épidémie de variole qui sévit ces années-là peut en être également à l'origine. Pasteur, originaire d'Arbois, et présent sur les lieux à cette époque, semble le confirmer.
Extrait de la Revue "Les Tribunes de la santé" / Article "La variole et la guerre de 1870" (source: Cairn info) |
L'état civil nous montre une recrudescence du nombre de morts pendant l'hiver 1870-1871. Le nombre de morts parmi les enfants, les jeunes adultes est beaucoup plus important. Il y a aussi un nombre considérable de soldats qui meurent à l'hospice. La cause du décès n'y est jamais indiqué mais on sent bien qu'il y a un problème.
Les conditions météorologiques et la guerre ont, sans doute, été le parfait calcul pour que cette situation se produise.
Extrait de la Revue "Les Tribunes de la santé" / Article "La variole et la guerre de 1870" (source: Cairn info) |
Quoi qu'il en soit les décès successifs de leurs filles plongent Désiré et Othilie dans un profond chagrin.
La recherche d'un ailleurs
En 1872, à 44 ans, c'est ce désespoir qui pousse Désiré à quitter sa région et son pays pour aller s'installer en Algérie. A priori, l'Algérie n'est pas une terre inconnue pour lui car il y est déjà venu en tant que soldat.
Il confie ses biens à son frère Jean Louis.
Un mystère : sa femme, Othilie, ne l'accompagne pas. Pourquoi? A cette question, je n'ai aucune réponse. Mes recherches sont en cours mais je doute de le découvrir car, à priori, il n'y a aucune trace de divorce. En effet, au moment du décès d'Othilie, le 24 décembre 1899 à Arbois, il est écrit sur l'acte de décès qu'elle est veuve de Claude Désiré REVERCHON.
De son voyage en Algérie, je n'ai aucune trace non plus, ou même de ses premières années là-bas.
Je sais seulement qu'il va désormais exercer le métier de forgeron mécanicien.
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